Les nouveaux terrains à bâtir étant bien trop chers pour notre budget mais aussi situés dans des nouveaux lotissements quatre-façades-sur-car-port dont nous ne voulons pas, nous optons pour l’achat d’un terrain situé à l’écart du monde au bout d’un sentier en cul-de-sac. Comme tout trophée a son revers, un bungalow trône au milieu de la parcelle. Il est branlant. Il est constitué de matériaux tout-venant (bois, bois reconstitué et tôle ondulée, fixés par plusieurs couches de lazure au plomb, par du silicone et par cinq élastiques). L’ensemble est « mitonné » de quelques millimètres de frigolite humide. La pourriture est partout. C’est quasi insalubre. 

Nous rasons fissa le laid bricolage pour reconstruire une maison en ossature-bois et terre-paille bardée de mélèze. Nous désirons plus que tout diminuer notre emprunte écologique et utiliser le plus de matériaux naturels et renouvelables possible, voire des matériaux de récupération. Nous désirons un habitat qui consomme peu. Nous participons à sa construction.

Depuis un an, nous vivons dans quarante-huit mètres carrés calfeutrés de trente centimètres de paille dans les murs et vingt-cinq centimètres de cellulose dans le toit. Nous avons un bon poêle à bois frais comme un sous neuf et des doubles vitrages de récup aux fenêtres. Nous sommes dans une petite maison écologique sans cloison. Elle est d’un seul tenant en « L ». Un caisson fermé et ventilé abrite la douche, nous n’avons pas salle de bain. Les toilettes sèches sont dans un cabanon proche dans le jardin. Nous consommons huit cents kilo watt d’électricité et six mètres cubes d’eau pour deux par an. Plus une bonbonne et demi pour la gazinière. Nous consommons moins de quatre stères de bois pour chauffer l’ensemble de notre maisonnette sur l’année, avec lesquels nous cuisinons aussi (notre poêle à bois comporte un petit four).


Les prescriptions urbanistiques sont simples à comprendre : toute modification à l’aspect extérieur et toute modification de la structure d’un bâtiment doivent faire l’objet d’un permis d’urbanisme. A fortiori la reconstruction d’une habitation aussi. Et comme toute nouvelle construction, ce permis ne peut-être délivré qu’après le passage d’un certificateur PEB (performance énergétique du bâtiment). Notre architecte en choisi une dans l’annuaire.

L’un dans l’autre et sans rentrer dans des détails inutiles, notre certificatrice PEB est très très réticente à notre projet, elle nous propose pour acceptation du dossier : une chaudière à condensation, le remplacement des quinze châssis, des panneaux solaires et une VMC (ventillation mécanique contrôlée). Selon son analyse, notre bilan énergétique ne vaut pas tripette. Elle est formelle, sans ces changements, pas de permis de bâtir. Le montant de son travail de certification s’élève à plus de huit-cents euros et nous plonge dans un marasme profond car il engage une modification radicale du projet auquel nous tenons. 

Après discussions, nous comprenons qu’elle applique un système mathématique clé-sur-porte aligné sur les maisons qui fleurissent aux quatre coins du territoire. Son logiciel de référence concerne nonante-neuf-pour cents de l’habitat lambda. Des maisons quatre-façades-deux-étages-plus-caves-et-garages (de plus de dix pièces) en dur et dessinées par le seul et même architecte qui sévit dans tout le pays. Notre projet est à des années lumières. Il est tellement éloigné qu’il ne rentre dans aucune colonne de calcul. 

Le temps passe. Nous trouvons après quelques difficiles recherches une (autre) certificatrice qui travaille dans le respect de la nature. Elle débarque dans notre petite maison, vous aurez compris que nous n’avons pas attendu la délivrance du permis pour commencer les travaux… D’emblée elle nous apprend qu’un bâtiment de moins de cinquante mètres carrés – ce qui est notre cas – n’a pas besoin d’un PEB. Elle se désole de nous facturer cinquante euros pour ses déplacements, elle vient de loin… 


La première certificatrice ne comprend pas notre démarche écologique en laquelle elle ne croît pas, puisque dans un même temps elle nous explique qu’elle construit une annexe à sa maison – que nous imaginions déjà spacieuse. Elle nous impose un projet consumériste fait de mise aux normes d’un projet qui ne l’est pas. Notre toute petite maison doit s’adapter aux maisons standards. En résumé nous devons consommer, nous aussi, comme tout le monde. Alors que le PEB est pensé pour réglementer la dépense énergétique des bâtiments, qu’il est fait en sorte de réduire au plus juste celle-ci. Il contribue clairement – dans notre cas – à la surconsommation.

Le système « démocratique » dans lequel nous vivons n’accepte que l’alternance. En termes énergétiques, cela donne la possibilité de choisir entre la chaudière au gaz et la chaudière au mazout, entre le chauffage électrique de l’eau courante via des panneaux solaires et le raccordement aux centrales nucléaires vétustes, entre le puits canadien et la pompe à chaleur, le tout valorisé par des labels tous plus « verts » les uns que les autres. Mais le système n’autorise pas son évitement. La légèreté énergétique n’est pas mesurable par les outils de la Région wallonne ? Elle est alors évincée ! L’alternative n’est pas de mise, elle n’a pas de place. 

La faible consommation énergétique est une anomalie, un danger, une subversion, une désobéissance, une résistance…