Les situations d’habiter léger sont diverses et variées, cette page se veut ouverte à ceux-celles qui souhaitent y partager leur expérience et enrichir les réflexions et expériences de vécu.
Installation de la ferme « Le Nord » et de ses deux habitats léger (20-08-18)
Nous sommes Justine, Delphine, Niels et Simon, les quatre maraîcher.e.s du Nord, la ferme agroécologique que nous créons depuis un an à Buissonville – Rochefort. Nous distribuons fièrement nos récoltes depuis quatre mois dans des restaurants, des épiceries et des paniers.
Nous faisons pousser fruits et légumes via du maraîchage sur petite surface, des forêts jardins, et des cultures sous serre-tunnels. Nous n’utilisons aucun outil fonctionnant aux énergies fossiles et limitons au maximum le travail du sol.
Aujourd’hui, les membres du Collège Communal de la ville de Rochefort, en Belgique, agissent pour nous empêcher d’exercer notre métier.
Ils.Elles « refusent le projet de ferme agroforestière », alors qu’ils.elles n’en ont pas légalement le droit.
Ils.Elles veulent nous interdire d’installer notre abri de travail polyvalent et nos deux habitats de fonction (trois constructions dites « légères » et sans fondation bétonnée), infrastructures indispensables au travail de cette ferme.
Notre ferme est pensée comme un ensemble écologique, autosuffisant en eau et en électricité, pétri par des principes de la permaculture et de l’agroécologie. Tous ces éléments sont interdépendants et permettent à l’ensemble de fonctionner.
Notre ferme propose un modèle agricole, économique et social novateur (nous ne sommes pas les premier.e.s) et notre volonté est d’apporter une réponse à de nombreux défis sociétaux contemporains, tels que la destruction des sols agricoles par l’agriculture conventionnelle, la dégradation de l’environnement, la crise du logement, la précarisation des jeunes générations, le manque d’emploi généralisé, la désintégration du tissu social.
Nous sommes certain.e.s que nous ne sommes pas seul.e.s à penser que la peur de la nouveauté ne doit pas entraver l’essor d’un monde éthique et bien nourri.
C’est pourquoi nous vous invitons à encourager cette Administration à soutenir notre installation plutôt qu’à l’empêcher, en signant cette pétition.
N’hésitez pas à nous écrire.
Bien à vous
Delphine, Justine, Niels & Simon
Les maraîcher.e.s du Nord
#ViveLeNord
La Baraque, un quartier bigarré et turbulent où les habitant.e.s choisissent leurs propres normes (28-01-18)
Au promeneur de passage, les multiples formes architecturales et sentiers arborés de la Baraque paraissent aussi colorés qu’improbables. C’est que ce quartier abrite des choix de vie peu communs. Des choix qui reflètent les convictions de ses habitants. Ce lieu atypique, à 800 mètres pourtant du centre de Louvain-la-Neuve, met en cause la « brique dans le ventre » soi-disant chère aux Belges. Parce qu’au Quartier (avec un Q majuscule), il y a peu de « briques ». Plutôt du bois, de l’argile ou de la paille. Parce que les Baraquis[i] se sont un jour posés cette question : faut-il adapter ses envies d’épanouissement à son quotidien ou faut-il adapter son quotidien à ses volontés d’épanouissement ? Tout un questionnement qui aboutit à une alternative, celle d’un habitat léger…
Les anciens habitants et les étudiants sont solidaires
Remontons le temps pour comprendre comment ce « quartier alternatif » a vu le jour. Le hameau de la Baraque est le plus ancien quartier de Louvain-la-Neuve. En 1864. On y dénombre 18 maisons, dont un château et une ferme. En 1952, il comprend 22 maisons, 77 habitants, 3 cafés et… une fête annuelle.
Un siècle plus tard, en 1968, une crise politique et linguistique (le fameux « Walen buiten ») secoue la Belgique. L’Université catholique de Louvain, située en région flamande, va se scinder en deux entités autonomes: la Katholieke Universiteit Leuven (KUL) et l’Université catholique de Louvain (UCL). Celle-ci acquiert, avec l’aide financière de l’État, 900 ha, au creux d’un haut plateau limoneux rattaché aux communes d’Ottignies et de Corroy-le-Grand. Son objectif : ériger au plus vite une ville plurielle, qui ne soit pas un campus composé uniquement d’étudiants mais qui attirerait aussi des habitants, des familles. Du coup, pour les besoins de ce projet urbanistique, les habitants du hameau de la Baraque se retrouvent expropriés. Mais quelques-uns, enracinés là depuis plusieurs générations, refusent de céder leur terrain et leur maison. Ils décident de rester.
En juillet 1975, des étudiants, des professeurs et du personnel de l’Université reprennent en location les maisons expropriées. Ils deviennent rapidement solidaires de la cause des « anciens », ceux qui refusent de partir. Au même moment, des étudiants en architecture, qui souhaitent vivre autre chose que les facilités étouffantes d’un logement « clé sur porte », décident d’installer quelques roulottes sur un terrain, dans le Verger.
L’année suivante, deux autres groupes, parrainés par l’Unité d’architecture, les rejoignent et s’établissent sur des parcelles voisines : le premier récupère des serres à raisins qui seront aménagées en logement dans le quartier dénommé aujourd’hui « le Jardin », et le deuxième dresse des dômes géodésiques, étudiés lors de leurs cours universitaires et dénommées « les Bulles ». Une troisième zone, dite « le Talus » est investie à l’été 1980.
L’Université, forte de son statut de propriétaire foncier, se déclare favorable à la présence de ces étudiants. La commune d’Ottignies, elle, s’y opposera durant près de dix ans. Un interstice entre accord et refus dont les étudiants profitent pour s’établir durablement. Les « anciens » du hameau de la Baraque deviennent solidaires de leurs projets, partagent les potagers, des parties de pétanque, parfois un peu de wallon, ainsi qu’un espace de rencontre autour d’une bière ou d’un repas. C’est ainsi que se crée le lieu collectif « Le Zoo ».
Ici apparaît pour la première fois la notion d’« habitat alternatif ». Etudiants et habitants s’engagent ensemble dans la réalisation d’un nouveau plan de quartier qui rendrait possible cet habitat nouveau tout en préservant les maisons traditionnelles : en se concertant lors de nombreuses réunions de « grand quartier », en fondant un comité, en élisant des représentants… jusqu’à obtenir la négociation d’un nouveau « plan particulier d’aménagement » (PPA), rédigé en concertation avec l’Université et la commune. Ce PPA, finalement voté en 1991, est une première reconnaissance qui permet enfin aux habitants de se domicilier, et, au quartier, de se stabiliser.
Priés de définir leur projet de vie, les Baraquis adoptent la qualification de « zone expérimentale », revendiquant la liberté d’initier ce qu’il leur sera nécessaire selon leurs propres critères et en temps voulu. Désormais, rien ne devra être figé.
La volonté d’un « vivre autrement » a finalement conduit les habitants à assumer l’entière responsabilité de gestion des zones revendiquées : en vertu du droit à l’autodétermination et à l’appropriation de leurs conditions d’existence, c’est ensemble que sont prises les décisions et endossées les conséquences. Les premiers arrivants installent, au fur et à mesure, des raccordements sommaires en eau, électricité et gaz. Les logements individuels s’organisent, dans chaque zone, autour de ces équipements communs. La population du quartier alternatif de la Baraque a triplé depuis 1991, passant de 47 à près de 150 habitants en 2018. Mais ses principes d’organisation, induits par l’usage, restent aujourd’hui bien ancrés.
« Faire ensemble pour vivre ensemble »
Répartie sur un peu plus de 2 ha, la densité d’habitat n’apparaît pas de prime abord, du fait de l’absence de clôtures ou de voitures garées au-devant des habitations comme c’est le cas ailleurs à Louvain-la-Neuve. D’emblée, la recherche d’un équilibre avec l’environnement est une préoccupation : tri des déchets, collecte de compost, chauffage au bois, toilettes sèches sont généralisés. Un système d’épuration des eaux grises alimente la mare d’un potager. Les constructions sont souvent réalisées selon des techniques innovantes ou provenant du passé (bois, bois cordé, terre-paille, ballots de paille, toitures végétales, panneaux solaires thermiques, enduits d’argile…). Les matériaux privilégiés évoluent selon les préoccupations environnementales et le contexte socio-économique du moment, ou selon les compétences et les savoir-faire mis en œuvre. La récupération et le recyclage de matériaux constituent également une solution aux freins budgétaires et à l’empreinte environnementale.
Les espaces communs sont créés et entretenus par les habitants. Les initiatives lancées par les individus sont mûries au travers de conversations informelles et de réunions organisées dans chaque zone d’habitat, selon la fréquence qui leur sied. Lorsque les enjeux sont plus étendus, des volontaires sont parfois mandatés pour mener à bien tel ou tel projet ou représenter le quartier, et des réunions sont organisées avec l’ensemble du « Vieux Quartier » en restant ouverts aux quartiers voisins.
La variété des constructions, au gré des souhaits et des possibilités de chacun, résulte d’une réponse aux besoins, mais surtout de l’acceptation par ses membres. Dans la même idée de perpétuer un « faire ensemble » pour « vivre ensemble », l’accord de tous les habitants d’une zone est nécessaire pour construire, transformer, agrandir ou placer une habitation : en présentant ses plans au cours d’une réunion et en écoutant les suggestions qui en découlent, c’est finalement tout le groupe qui participe à chaque nouveau projet.
Un habitant en partance choisit son remplaçant en demandant au groupe son consentement : ce fonctionnement assure une dynamique de renouvellement et une diversification de la population : familles nucléaires ou monoparentales, couples ou célibataires, militants ou non, artistes ou fonctionnaires, travailleurs sociaux ou professions libérales, étudiants ou salariés, chômeurs ou entrepreneurs, réfugiés politiques ou demandeurs d’asile…
Chaque nouvel arrivant est présenté lors d’une réunion collective: c’est l’occasion de rappeler l’implication nécessaire de chacun dans la gestion communautaire des lieux et des équipements communs, de même que les procédures de décision.
Un principe économique est fondamental au quartier de la Baraque : la non-spéculation. Lors de la transmission d’un logement à un nouvel habitant, il n’est pas question de s’octroyer de bénéfices, mais seulement de recouvrir la somme d’argent investie. Ce principe a pour fonction de préserver le caractère vital et universel de l’habitat, et de garantir son accessibilité maximale : il s’agit bien de « transmission », et non de « vente ». Le coût d’investissement, duquel on a soustrait son amortissement, est proposé par la personne en partance, qui aura pris soin de déclarer cette somme publiquement. Le groupe peut demander alors justification du prix proposé.
L’investissement matériel et financier s’en trouvent ainsi réduits. Ces logements autoconstruits, d’une emprise au sol de 29 m² en moyenne par habitant, favorisent de faibles coûts de chauffage. L’allègement des contraintes financières régulières ou mensuelles offre la possibilité de se satisfaire d’un revenu moindre et/ou d’une liberté de choix professionnel plus élargie : une forte proportion d’habitants exerce des activités professionnelles indépendantes (photographes, fleuriste, maraîcher « bio », musiciens…), ou à mi-temps (travailleurs sociaux, du secteur socio-culturel, soins à la personne…), artisanales ou culturelles (couture, création de costumes, création de bijoux, fabrication de four à pain…) et non salariées (membres d’associations, d’ONG, de collectifs indépendants…).
La confrontation fait partie de l’art d’habiter
Le projet principal du quartier alternatif de la Baraque est donc bien celui de « vivre ensemble autrement ». Dans le cadre de cet espace « ouvert », le développement d’un projet individuel nécessite la concertation et le dialogue avec tous dans le respect des différences et des besoins de chacun. Il requiert une connaissance précise et justifiée de ses besoins matériels et subjectifs, ainsi qu’un équilibre entre capacité à s’exprimer et écoute. Le refus de règles figées implique de parvenir, chaque fois qu’un problème se présente, à une solution adaptée, ce qui requiert une grande aptitude à aborder les aléas. Le conflit est plutôt vécu de façon positive: il engendre des remises en cause régulières, idéologiques ou personnelles, parfois profondes. Le respect du rythme de réflexion de chacun ainsi que ses disponibilités aux réunions, où la temporalité du débat général est conditionnée par le nombre d’habitants mobilisés et l’ampleur des discussions, entraîne une certaine lenteur. D’abord pour entendre, comprendre, infirmer ou confirmer, nuancer, puis pour se mettre d’accord. A quoi s’ajoute la complexité de chaque situation. La recherche de l’accord du plus grand nombre peut conduire à des prises de décision parfois retardées de plusieurs semaines.
En revanche, l’autoconstruction permet une réponse beaucoup plus rapide et mieux adaptée aux solutions offertes dans le paysage immobilier coutumier. La notion d’ habitat « organique », au sens d’un habitat qui évolue selon les besoins de(s) l’occupant(s) (éléments annexés au corps principal du bâti, élaborés ou transformés selon ses nécessités), permet de prendre en compte les histoires de vie de chacun : des extensions et transformations apparaissent, à la suite de naissances ou de l’arrivée d’un partenaire.
L’autonomie et la gestion collective sont-elles si inconcevables ?
Depuis une vingtaine d’années, les nombreuses demandes d’installation dans la zone alternative de la Baraque ne sont plus satisfaites : le quartier ne peut plus s’étendre. Pour un habitant qui décide de quitter son habitation à la Baraque, dix personnes sont candidates pour le remplacer. Cette saturation révèle, certes, un véritable attrait pour l’idéal de vie que le quartier promeut, mais, également, la pression immobilière croissante au sein des zones destinées à l’habitat. Le microcosme idéologique et environnemental que conserve, du mieux qu’il peut, le village de « Baraquis », détonne face aux projets urbains croissants.
En 1991, après de nombreuses soirées de travail et de concertation entre les habitants, les autorités communales et l’université propriétaire du terrain, celle-ci propose de négocier un « contrat d’occupation du sol » à condition que le Quartier soit représenté sous forme d’une entité juridique (ASBL, fondation, coopérative, « Community Land Trust », etc.) représentant l’ensemble des habitants. Pour les habitants, tout l’enjeu d’une structuration et d’une légalisation menace le principe de gestion collective. Aujourd’hui, la question reste posée : quelle structure juridique convient le mieux au quartier de la Baraque ?
La commune, de son côté, reconnaît les qualités sociales du quartier alternatif de la Baraque et son caractère pionnier. Mais elle est juridiquement responsable de ce qu’il s’y passe, en matière de respect des règles d’urbanisme en vigueur en Région wallonne. C’est pourquoi elle pousse la « zone expérimentale » à se régulariser. Difficile au vu des multiples couches normatives concernant le logement : exigences de salubrité, de sécurité, et d’habitabilité… qui doivent être appliquées par les pouvoirs communaux. Les normes de logement imposées sont clairement inadaptées aux habitats alternatifs. Il n’empêche que les exigences générales de sécurité, de salubrité et d’équipement sanitaires, sur lesquelles les habitants du quartier ne cherchent pas à transiger lorsqu’elles sont en accord avec leurs propres critères, sont bel et bien respectées et soumises au contrôle des organismes agréés. Cependant, quand, à coup de données statistiques censées leur conférer une valeur scientifique indiscutable, ces exigences touchent à la hauteur sous plafond, au taux d’éclairage naturel, à la superficie minimale, à l’étanchéité ou encore à la ventilation, la question se pose : qu’ont-elles à voir avec la qualité de vie, matérialisée par les roulottes restaurées, qui ont permis pour beaucoup d’accéder à un logement, ou les savoir-faire mis en œuvre par leurs habitants, développés à travers l’autoconstruction, l’autogestion, l’économie de moyens et la dimension collective ?
[i] Les habitants du quartier de La Baraque se dénomment eux-mêmes « Baraquis », non sans une note de dérision et pour railler l’étroitesse d’esprit de ceux qui désignent généralement en Belgique par ce vocable une population de démunis aussi bien en termes de savoirs que de richesse.
Ce texte est une version adaptée pour le site Halé ! d’un article d’Anaïs Angeras. Sa version originale est disponible en cliquant ici.
Un autre texte collectif des habitants du quartier de la baraque (2007) en cliquant ici.
Chiny – Bienvenue en terre sauvage…(06-12-17)
Depuis 2010, nous – un ensemble d’adultes et d’enfants – avons acquis une terre agricole de 6 hectares dans le village de Chiny, voulant y partager une vie collective au sein de la nature. C’est dans le contexte d’une société confrontée à des crises multiples (politique, économique, financière, logement, écologique,…) que nous nous sommes réuniEs et engagéEs à construire un mode de vie plus équilibré, ancré dans la nature ainsi que dans les dynamiques locales.
La pertinence du projet, pour nous, tient à la mise en pratique de valeurs nous tenant à cœur: l’organisation collective, l’autonomie, la vie en synergie avec la nature, etc. Le soutien que nous recevons de la part des villageois, du milieu associatif, des visiteurs, et la réalisation d’une diversité d’activités à travers l’ASBL Gâche Warache nous renforcent dans cet élan.
Toutefois, depuis le début du projet nous sommes conscientEs que le choix de vivre dans des habitats légers sur un terrain Natura 2000 défie certains codes établis notamment celui de l’urbanisme, ainsi que de l’agriculture. Un procès verbal a en effet été dressé à notre encontre, mettant en péril la durabilité du projet. Cet état des lieux met en lumière le décalage entre la législation contraignante et le besoin qu’émergent des projets créatifs répondant aux diverses problématiques actuelles. En effet, bien d’autres initiatives se heurtent à des obstacles similaires.
Nous souhaitons ici présenter notre projet et aborder la question des infractions urbanistiques en la replaçant dans un contexte plus global.
Un projet de vie…
Ce projet se construit autour d’un lieu naturel et de gens qui aspirent à vivre en synergie avec celui-ci et à en faire bénéficier leur entourage en s’inscrivant dans des dynamiques locales. C’est une recherche d’équilibre entre la Nature et l’Humain. Au-delà d’une protection de l’écosystème, nous cherchons son épanouissement tout en nous y intégrant. Le choix de vivre dans des habitats légers s’est donc fait naturellement car il nous amène à être en lien étroit avec l’environnement.
Ces habitats viennent bousculer les concepts actuels d’habiter, autant par leur capacité à se fondre dans le paysage que par leur simplicité.
Vivre au quotidien sur ce lieu nous permet de développer un projet d’agro-écologie*. Il prend forme a travers la culture (maraîchage, verger, petits fruits), le petit élevage (poules, abeilles, asinerie), la gestion de la flore (pâtures, haies, étangs, forêt et cours d’eau). La récolte et la transformation de plantes cultivées ou sauvages (conserves, séchage, herboristerie, teinture végétale), la coupe du bois de chauffage, l’artisanat (menuiserie, vannerie,…) complètent ce projet.
Le projet se construit à partir d’une organisation collective, entendant par là le fait de devenir auteur et acteur de nos vies, tant au niveau individuel que collectif. A travers des pratiques d’apprentissage, de partage et d’échange, nous nous ouvrons aux dynamiques locales – en nous intégrant à celles-ci et à travers nos activités proposées par lAsbl.
La situation urbanistique
En juillet 2015, la DGO4 a dressé un procès verbal à notre encontre pour cause d’infractions urbanistiques en terre agricole et zone Natura 2000. Il concerne diverses constructions ne possédant pas de permis urbanistique : 2 espaces collectifs et d’accueil, 4 habitats légers des membres du collectif, des abris pour les animaux, le bois, les vélos et toilettes sèches, une serre et un abri à outils pour le maraîchage.
Cette situation révèle les freins posés par la législation actuelle concernant des alternatives locales et citoyennes, tant au niveau urbanistique, agricole, que vis à vis des directives Natura 2000.
Bien que répandu en Belgique, l’habitat léger reste inexistant pour le CWATUPe. Il n’y a donc pas, au niveau de l’aménagement du territoire, de zone définie pour ce type d’habitat, ce qui entraîne des complications vis à vis du code du logement (normes inadaptées a ce type d’habitat) et de l’accès à la domiciliation.
Le projet s’inscrit dans la démarche fondamentale de Natura 2000, à savoir: assurer la protection des espèces végétales et animales menacées. Bien que le lien entre l’Homme et la Nature est peu exploré. Est-ce une bonne idée de créer des réserves naturelles coupant la Nature de l’Homme afin de la protéger de ce dernier ? Par notre présence au quotidien, nous cherchons à rétablir une relation d’équilibre avec la nature et non de domination.
Bien que le CWATUPe reprenne la définition d’agriculture au sens large, nous avons du mal à nous faire reconnaître auprès de l’administration qui semble se référer plus au modèle dominant et à ses normes de productivité et de rentabilité. Par ailleurs, le CWATUPe prévoit des zones* pouvant déroger au plan de secteur, permettant des activités d’utilité publique et communautaire. Ces zones peuvent accueillir des logements sociaux, des homes, des centres d’activité… pourquoi pas des habitats légers ?
Un autre regard
Face à cette situation nous souhaitons faire valoir nos actes comme des alternatives créatives et expérimentales se traduisant par :
Une protection de la biodiversité tout en y laissant une place pour l’homme, en démontrant qu’il fait partie intégrante de cet écosystème et peut avoir un impact positif sur lui. Nous sommes pour cela accompagnéEs afin d’affiner nos réflexions et actions ;
Le lancement d’un projet d’agriculture paysanne s’inscrivant dans une économie locale ;
L‘accueil, les activités et les rencontres organisées par le biais de l’asbl, participent à renforcer la toile sociale ;
La participation à la plate-forme de soutien HaLé regroupant des habitants du léger. Son objectif principal est d’avancer sur les problématiques juridiques et territoriales dans le but de faire reconnaître le droit à chacunEs de vivre son habitat léger au niveau légal l’habitat léger.
Parce que le besoin de changer nos attitudes vers plus de résilience se fait sentir (agenda 21, économie locale et durable, crise du logement, …), nous, parmi d’autres, mettons en place un projet concret. La question aujourd’hui est de savoir si la société va permettre à ces alternatives de s’approfondir, de se pérenniser et de s’épanouir.
Aujourd’hui (été 2016), notre dossier est dans les mains de la Région Wallonne qui doit remettre son avis concernant la possibilité de régularisation ou la sanction qui nous sera assignée (amende, remise en état des lieux, cessation de l’utilisation).
Aujourd’hui (hiver 2018)
Après une nouvelle visite des représentants de la DGO4 en juin dernier, une rencontre a eu lieu à la commune, regroupant touts les acteurs en lien avec notre dossier. Suite à cette première rencontre, nous entamons une procédure allant vers une régularisation. La première étape est de réaliser des plans avec un architecte, ce dossier servira de base pour la négociation avec les représentants de la région wallonne, la DNF, l’agriculture (en avis consultatif) et la commune de Chiny. La situation n’est pas évidente. Nous tentons de faire une proposition, incluant le déplacement de certains habitats – la destruction et reconstruction pour d’autres – des aménagements esthétiques, tout en respectant les particularités du site et nos choix de vie! Une modification principale est le regroupement des habitations afin de se rapprocher des exigences qui nous sont posées.
Nous tenons toute fois à maintenir les habitats légers adaptés à notre vie sur le lieu car ils permettent entre autre de préserver l’intimité et l’équilibre de chacun.e dans le contexte de vie collective que nous menons. En venant sur ces terres, nous avons choisi une vie sobre (pas de raccordement au réseau électrique, un seul point d’eau pour plusieurs logements, un système d’épuration d’eau par lagunage, des toilettes sèches, la limitation de notre empreinte au sol en évitant de grosses fondations…) et développé des activités adaptées au lieu : fauche tardive à la main, gestion en pâturage à faible charge, entretien des étangs, gestion des haies à la main, petites surfaces de maraîchage biologique en traction animale, cueillettes sauvage.
De plus il est fréquent que nous accueillons des personnes intéressées par nos choix de vie, notre manière d’habiter le lieu, que ce soit lors de moments d’échanges et de partages informels ou lors de chantiers participatifs, d’événements locaux . Le lien à cette terre est le pilier central de nos activités et notre contribution aux dynamiques locales. Nous continuerons donc à habiter, à entretenir et à nous nourrir de ce lieu que nous vivons au quotidien.
La suite au prochain épisode… la prochaine rencontre est encore à convenir avec la Région Wallonne.
Dans l’espoir que d’autres modes de vies puisse être tolérés et exister, c’est le moment, pour les responsables politiques, d’innover et de soutenir des actions citoyennes engagées.
Le CODT ouvre déjà de nouvelles pistes et aucune loi n’est immuable…
Envie de nous soutenir ?
Vous pouvez nous soutenir, en participant aux rencontres et actions, en parlant de ces questions autour de vous, en nous partageant vos expériences et/ou vos connaissances technico-juridico-administratives.
*L‘agro-écologie retisse le lien entre l’agrologie et l’écosystème. Cette démarche vient repenser les systèmes de production, en s’inscrivant dans la recherche d’alternatives à l’agro-industrie et en intégrant les dimensions économiques aux approches sociales et politiques. Elle consiste à réintroduire de la diversité dans les systèmes de production agricole, à restaurer celle de la mosaïque paysagère et à renforcer le rôle de la biodiversité comme facteur de production.
*Zone de services publics et d’équipements communautaires: destinée, par essence, à promouvoir l’intérêt général. A cet égard, trois conditions doivent être réunies pour admettre que l’on soit en présence d’un tel équipement: la mise à disposition du public, l’accessibilité à tous et l’absence de but essentiellement lucratif.
Modave – Une cabane en pristin état (20-11-17)
Au printemps 2009, 39 personnes s’associent pour acheter une ancienne carrière de 14 hectares (non constructible et sans accès à l’eau ni à l’électricité) dans la vallée du Hoyoux à Modave, près de Huy.
En haut d’un petit chemin, à 15 minutes à pied, se trouve le point névralgique du terrain, on se croirait presque à la montagne…
D’un point de vue légal, nous créons une coopérative (acterre). Concrètement, nous aspirons à vivre collectivement en expérimentant des pratiques autonomisantes : (énergie, alimentation, habitat…). Très vite, nous retapons quelques ruines, nous construisons une éolienne, un treuil avec un pédalier de vélo, une yourte…
Début de l’année 2011, je croise un bon copain qui part bientôt en voyage, il me dit : « Ca te dit qu’à mon retour, on construise une cabane ? ». Je réponds : « Ok, on l’appellera Berth ! » Tous les deux, nous gravitons parmi le milieu des squats et les mouvements anarchistes. La culture issue de ces univers nous apprend à compter sur nous mêmes et a développer des réseaux de solidarités pour construire nos utopies au présent. Dans la même idée, mais aussi pour des raisons pragmatiques et politiques, nous ne demanderons pas d’autorisation pour commencer le chantier.
Dès mars 2012, nous entamons le chantier de Berth (4m par 3m sur deux étages). La moitié des matériaux sont montés via le treuil et à force de bras. Une autre partie, notamment des poutres et des planches sont construites sur place avec les arbres de la forêt. Petit à petit, nous prenons conscience de l’ampleur du chantier, à un moment donné nous ne savons même plus si nous arriverons à le terminer… Dans le présent de la construction, nous prenons du plaisir à construire notre habitat idéal. Nous invitons ami.e.s, compagnons, connaissances et amant.e.s à venir nous aider techniquement et à participer. La fait de construire avec de la récup’ nous amène à devoir constamment adapter nos plans. Cette démarche aura pour conséquence un habitat à très faible coût, 300 euros au total pour une petite maison de 24m carrés.
En octobre 2012, notre petite maison est équipée d’un poêle, d’une petite cuisine avec de l’eau de pluie courante, de deux mini chambres, d’éclairage à l’énergie solaire et d’une vue fantastique sur la vallée. Nous y vivons 1 an.
Pendant l’hiver 2014, la région Wallonne nous oblige à « remettre tout le terrain en pristin état » pour octobre 2017 sous peine de poursuite judiciaire. Visible depuis la vallée d’en face, Berth est la construction qui pose le plus problème. Plume et moi, nous n’habitons plus le terrain. N’ayant pas envie de nous confronter à la bureaucratie urbanistique, ni de faire peser les conséquences de Berth sur nos compagnon.ne.s vivant sur le terrain, nous optons pour le démontage.
2017. Cinq journées aoûtiennes, intenses en émulation collective suffisent à démonter l’ensemble de l’habitat. Nous avons parfois l’impression de démonter une tente et nous apprenons de nos erreurs en voyant l’état de certains matériaux.
La temporalité des squats que nous habitons tourne autour d’un an, deux, trois maximum. Berth en aura tenu cinq. Beaucoup de gens y sont passés, y ont dormi, se sont inspirés et ont réalisé d’autres projets. Participer à ces imaginaires et faire exister ces possibilités, c’était le plus important ! La construction et le démontage récent de Berth perpétue l’envie chez nous de construire des cabanes, peut être un peu plus mobile la prochaine fois… Et qui sait, sur un lieu en lutte ou sur une place public pour défendre l’habitat léger et autonome ?
Tout dans cette histoire n’aura pas été que simple, léger et évident (terrain en pente, difficulté d’accès, embrouille collective…). Mais si aujourd’hui nous continuons à vivre collectivement en squat et dans une bulle en paille c’est aussi parce que Berth à confirmé nos choix.
Nous sortons de ce démontage encore plus convaincus par la volonté de vivre nos rêves d’enfants.
Mayan et Plume