Au printemps 2009, 39 personnes s’associent pour acheter une ancienne carrière de 14 hectares (non constructible et sans accès à l’eau ni à l’électricité) dans la vallée du Hoyoux à Modave, près de Huy.

En haut d’un petit chemin, à 15 minutes à pied, se trouve le point névralgique du terrain, on se croirait presque à la montagne…
D’un point de vue légal, nous créons une coopérative (acterre). Concrètement, nous aspirons à vivre collectivement en expérimentant des pratiques autonomisantes : (énergie, alimentation, habitat…). Très vite, nous retapons quelques ruines, nous construisons une éolienne, un treuil avec un pédalier de vélo, une yourte…

Début de l’année 2011, je croise un bon copain qui part bientôt en voyage, il me dit : « Ca te dit qu’à mon retour, on construise une cabane ? ». Je réponds : « Ok, on l’appellera Berth ! » Tous les deux, nous gravitons parmi le milieu des squats et les mouvements anarchistes. La culture issue de ces univers nous apprend à compter sur nous mêmes et a développer des réseaux de solidarités pour construire nos utopies au présent. Dans la même idée, mais aussi pour des raisons pragmatiques et politiques, nous ne demanderons pas d’autorisation pour commencer le chantier.

Dès mars 2012, nous entamons le chantier de Berth (4m par 3m sur deux étages). La moitié des matériaux sont montés via le treuil et à force de bras. Une autre partie, notamment des poutres et des planches sont construites sur place avec les arbres de la forêt. Petit à petit, nous prenons conscience de l’ampleur du chantier, à un moment donné nous ne savons même plus si nous arriverons à le terminer… Dans le présent de la construction, nous prenons du plaisir à construire notre habitat idéal. Nous invitons ami.e.s, compagnons, connaissances et amant.e.s à venir nous aider techniquement et à participer. La fait de construire avec de la récup’ nous amène à devoir constamment adapter nos plans. Cette démarche aura pour conséquence un habitat à très faible coût, 300 euros au total pour une petite maison de 24m carrés.

En octobre 2012, notre petite maison est équipée d’un poêle, d’une petite cuisine avec de l’eau de pluie courante, de deux mini chambres, d’éclairage à l’énergie solaire et d’une vue fantastique sur la vallée. Nous y vivons 1 an.

Pendant l’hiver 2014, la région Wallonne nous oblige à « remettre tout le terrain en pristin état » pour octobre 2017 sous peine de poursuite judiciaire. Visible depuis la vallée d’en face, Berth est la construction qui pose le plus problème. Plume et moi, nous n’habitons plus le terrain. N’ayant pas envie de nous confronter à la bureaucratie urbanistique, ni de faire peser les conséquences de Berth sur nos compagnon.ne.s vivant sur le terrain, nous optons pour le démontage.

2017. Cinq journées aoûtiennes, intenses en émulation collective suffisent à démonter l’ensemble de l’habitat. Nous avons parfois l’impression de démonter une tente et nous apprenons de nos erreurs en voyant l’état de certains matériaux.

La temporalité des squats que nous habitons tourne autour d’un an, deux, trois maximum. Berth en aura tenu cinq. Beaucoup de gens y sont passés, y ont dormi, se sont inspirés et ont réalisé d’autres projets. Participer à ces imaginaires et faire exister ces possibilités, c’était le plus important ! La construction et le démontage récent de Berth perpétue l’envie chez nous de construire des cabanes, peut être un peu plus mobile la prochaine fois… Et qui sait, sur un lieu en lutte ou sur une place public pour défendre l’habitat léger et autonome ?

Tout dans cette histoire n’aura pas été que simple, léger et évident (terrain en pente, difficulté d’accès, embrouille collective…). Mais si aujourd’hui nous continuons à vivre collectivement en squat et dans une bulle en paille c’est aussi parce que Berth à confirmé nos choix.

Nous sortons de ce démontage encore plus convaincus par la volonté de vivre nos rêves d’enfants.

Mayan et Plume