L’habitat léger, quelle qu’en soit sa forme (celle des pionniers des zones de loisirs des années 70 ou celle des habitants de yourtes ou de « Tiny houses », 2010), ne traite pas que d’une question économique. Toutefois, si l’habitat léger, finalement légalisé, devenait un bien de consommation classique car pris en otage par les promoteurs immobiliers, que deviendraient ceux qui l’ont adopté pour une raison économique ?
Jeudi 16 novembre, à 14h, au parlement wallon à Namur, deux décrets étaient votés par le Gouvernement wallon en séance plénière. Ils sont dédiés à l’habitat léger et tout particulièrement aux zones HP (Habitat Permanent en zone de loisirs) (Pour écouter: 1er axe zone HP à partir de la minute 8 13ème seconde). Si le point de départ de ce décret est de trouver une solution pour ces dernières, il permettra aussi aux communes de créer des nouvelles zones dédiées à l’habitat léger à l’avenir (Art 2 du décret).(Si un doute subsiste, Commission AdT du 26/10/2017 2ème axe du décret à la minute 17 22ème seconde)
Ces deux décrets font suite à un travail parlementaire commandé par le Ministre de l’action sociale en 2016, donnant lieu à un rapport au printemps 2017. Cette mission était portée par trois députés wallons : M. Dodrimont, M. Dermagne et Mme Moucheron. L’objectif était de faire le point sur le plan HP depuis sa naissance en 2002. Ce plan d’évacuation des zones de loisirs sur base volontaire a fait couler beaucoup d’encre et perdre beaucoup d’argent.
Ce chantier a été finalisé par M. Dodrimont (soutenu par M. Dermagne en séance plénière, ce dernier devenu Ministre du logement de janvier à juillet 2017).
Bref ! Voici une tentative d’éclairer nos lanternes. Mais je pense qu’une analyse juridique est en cours par une (la ?) plateforme d’habitants…
Site à réaménager (SAR)
Ce décret intègre les zones de loisirs aux Sites à réaménager (SAR) dans le Code du Développement territorial (CoDTbis). Il permettra à la Wallonie d’investir et de changer l’affectation des sols de différents sites HP. Les SAR ne peuvent toutefois pas agir sur les zones comprenant du logement (page 44 du rapport – Plénière 8 min 12 sec).
Il semble cependant important d’attirer l’attention sur deux points. Premièrement, il faut se rappeler que le Code du logement ne considère pas ces habitations comme des logements. Deuxièmement, dans le rapport des parlementaires, il existe une liste de sites qui pourraient être SARifiés (page 61) dans laquelle on comprend que des habitants vivent encore dans ces habitations.
Comment doit-on interpréter ce croisement d’informations ? On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ?
Zone d’habitat vert (ZHV)
Ce décret a deux objectifs : pérenniser certaines situations dans les zones de loisirs et créer des sites d’habitat léger.
Ce seront des habitations sans étage de 60 m2 maximum, sur des parcelles de 200 m2 minimum. Ces zones devront contenir minimum 15% d’espaces verts. Les habitations plus grandes disposant d’un permis avant la sortie du décret seront aussi recevables.
Cette nouvelle zone au plan de secteur viendra dans la même section du CoDTbis (Code du développement territorial) aux côtés de la zone à caractère rural (D.II.25). Son petit nom sera le D.II.25bis
On retrouve aussi un signal d’amnistie (Art 6) pour les habitations qui n’ont pas un permis dans les sites recevables. Une liste des sites sera élaborée (Art 3) et fera la pluie et le beau temps. Quels sites seront recevables dans cette fameuse liste ? Il faudra attendre une analyse juridique pour bien comprendre quelle sera la procédure pour y être admis. Cette analyse devrait aussi permettre de savoir comment faire pour créer une nouvelle zone.
Un article de l’Avenir pose la question de savoir si ces sites à réaménager deviendront à terme des ZHV. À nouveau, cela voudrait dire que certaines situations où l’on retrouve des personnes à bas revenus se transformeraient en zones à bobo ?
Vers la Zone d’habitat
Le changement d’affectation d’une terre agricole (par exemple) en zone d’habitat peut multiplier sa valeur monétaire par 30. Que se passera-t-il lorsque les pionniers de l’habitat léger ne pourront plus se payer cette solution ? Que devront-il occuper ? Un outil anti spéculatif doit être pensé pour éviter que cette zone d’habitat vert se révèle être, volontairement ou non, un outil de tri social…
La ZHV a du bon, il faut le reconnaitre, c’est une reconnaissance culturelle et sociale d’une solution mise à l’oeuvre par des habitants dans un contexte de crise croissante du logement.
Mais les effets pervers doivent être considérés, au risque de danser en négligeant les futurs exclus.
Une petite proportion de zones HP serait recevable semble-t-il : +/- 1/6e des situations. Pour le moment, 30 sites HP semblent recevables sur 165 (et donc ce serait seulement pour les 28 communes qui ont adhéré au plan HP). En cela, ne sont pas inclus les campings (Chiffre provenant de la Commission de l’aménagement du territoire du 26 octobre point 2 – regardez la vidéo, c’est à partir de la 1ère minute). Cette zone devrait préserver les composantes initiales de l’habitat léger, dont l’autoréalisation et l’accès bon marché, sans pour autant le réduire à ce dernier… Cela dit, il est difficile d’évaluer pourquoi il serai interdit à certains de spéculer alors que tout le monde le fait déjà partout et tout le temps… Vaste débat. D’une manière générale, la question de la spéculation n’est sans doute pas abordable dans le CoDT. Mais, où est-elle abordable d’un point de vue juridique ? Cela semble impossible à définir, sans doute un symptôme de plus du capitalisme. Tout doit être commercialisable pour produire du profit, comme à peu près tout aujourd’hui.
En conclusion, ce décret porte en lui la reconnaissance d’un mode d’habitation, longtemps attendu, mais on ne sait pas encore si elle pourra servir au plus grand nombre. On ne sait pas si ce décret est seulement symbolique et finalement peu opérationnel : ce ne serait pas la première fois qu’un décret ne soit pas appliqué ! Si M. Dodrimont annonce que ce décret concerne 12 000 personnes, on se demande bien qui sera sauvé et quand ? Affaire à suivre… de près.
oui encore une fois on tourne en rond comme toujours , j’ose imaginer voir un jour le bout du tunnel mais ??? , merci de continuer a nous informés
Il faudrait interpeller les rédacteurs des decrets et du rapport sur ce qu’ils veulent dire par « habitat alternatif ». Parce qu’il me semble que ce n’est pas synonyme d’habitat léger.
En effet, page 52 du rapport où ils recommandent une modification du CWDL, ils précisent. « Il ne s’agit pas de reconnaître la caravane comme un logement, ni les habitats disparates rencontrés lors de nos visites… » Donc étant donné que les roulottes sont techniquement des caravanes résidentielles en bois, il ne comptent nullement les reconnaître comme logement et elles n’auront donc pas de place dans les zones d’habitat vert. Ils ne veulent pas non plus de créativité. Si on rajoute les normes PEB et les normes incendies actuelles.. en effet. Il semble que la zone d’habitat vert sera une zone avec de petits logement (comme n’importe qu’elle zone de maisons sociales)
Il est vrai qu’en commission, on entend fort souvent « conteneur »…, mais je pense que vu le développement de toutes une série de Tiny, roulottes, … Il ne pourra il y a avoir qu’un mouvement.
Bonjour à tous,
Une question qui ne me paraît pas claire et que je voudrais poser (à Vincent ? ou à tout qui peut me répondre ?) est celle de l’imposition – ou pas – d’une demande de permis d’urbanisme pour construire / aménager une « construction » (sans pour autant que ce soit considéré comme du « logement » officiellement, puisque l’habitat léger ne l’est pas ! ) en future zone d’habitat vert. Quelqu’un peut-il me répondre ?
Question liée à une remarque faite par Chantal : quid des anciens permis d’urbanisme délivrés dans les zones de loisirs ? Etant urbaniste et bon connaisseur des affectations du plan de secteur, je sais d’expérience que le passage d’une zone de loisirs (ou quelconque autre zone) en ZHV – donc changement officiel de zone au PdS, acté par décret officialisant ce passage d’une zone à l’autre (par ex. d’une zone de loisirs à zone d’habitat vert ou zone d’habitat) , cela n’aurait aucune incidence sur les permis d’urbanisme délivrés antérieurement (contrairement aux permis d’installation).
Par ailleurs, un des débats abordés par certains (notamment Chantal) a trait au statut de résidence principale / ou résidence secondaire quand on vit en habitat léger. Je voudrais répondre sur l’aspect urbanistique de la question : il n’y a – sauf erreur – aucune différence dans le traitement d’un dossier d’urbanisme par les services communaux d’urbanisme qu’il s’agisse d’une résidence principale ou d’une résidence dite « secondaire » et ce, sur base du principe que les permis sont octroyés pour une durée indéterminée (même si leur durée de réalisation des travaux autorisés , elle , est limitée à 5 ans, puis le permis est périmé).
Autrement dit, rien ne permet de déterminer si une résidence « secondaire » le restera ad vitam eternam. Et les agents de l’urbanisme (en tous cas dans le chef des fonctionnaires de la DGO-4 du SPW) sont « obligés » d’analyser sur base de long terme (donc avec possibilité que la résidence devienne un jour « principale », ce qui n’a aucun effet en termes d’urbanisme, par ex. en cas de domiciliation ultérieure dans les lieux).
C’est donc une législation radicalement différente que les « permis d’installation » , qui, eux , sont temporaires (par ex. pour une roulotte installée près d’un chantier où les aménageurs d’auto-construction ou auto-rénovation ont l’autorisation officielle d’y loger, grâce à ce « permis d’installation »), le temps que durent les travaux (maximum 5 ans).
Enfin, dernier point important : le recours à un architecte est-il indispensable ? A mon sens, sauf si il y a eu changement récent dans la législation qui m’aurait échappé, je me rappelle qu’il ne faut PAS faire appel de façon indispensable à un architecte si : le bâtiment n’a ni étage, ni fondations ET s’il ne dépasse pas 3m au faîte, ET s’il n’a pas une surface au sol supérieure à 30 m2 (je crois que c’est passé dans le CoDT à 40 m2) + quelques autres éléments à vérifier dans le chapitre « permis de minime importance ».
NB : pour rappel, un « habitat léger » n’est pas considéré comme de « l’habitat » au sens légal du terme – ce qui est répété incessamment par Luc Jandrain de la DGO-4 !
Et, par conséquent, un permis d’urbanisme ne pourrait, à mon sens , être délivré pour un « habitat léger » (tel que nous le considérons habituellement).
A contrario, s’il y a bien eu permis de bâtir – en zone de loisir ou toute autre zone – en vue de construire ou d’aménager un logement, alors ce permis restera valide dans tous les cas, mais le logement en question ne sera jamais considéré comme un « habitat léger » (même si il y ressemble dans sa typologie !), et ce, quelque soit la zone (pour autant, bien sûr, que les travaux effectués aient été réalisé en conformité au permis délivré).
Voilà, j’espère avoir fait un peu avancer la réflexion sur ces quelques points – qui seront bien sûr précisés ultérieurement dans la nouvelle « étude Habitat léger ».
Bien à vous tous et toutes, Thierry
Question 1 sur la nécessité d’un permis.
Seul les habitats léger (yourte, roulotte, bulle, …) en zone forestière à destination du tourisme sont exonérés d’un permis et d’un architecte (voir Art. R.II.37-10. Hébergements de loisirs (en zone forestière) et Art. R.IV.1-1. Actes, travaux et installations exonérés du permis d’urbanisme, d’impact limité ou qui ne requièrent pas le concours obligatoire d’un architecte.).
La liste des conditions est au R.II.37-11.
Une contrainte majeure: ne pas être relié au gaz, élec, raccordement aux égouts… Une invitation à l’autonomie? 😉 Sans doute non. En tout cas cela ressemble au contenu de la Loi Alur (France) mais avec l’intention que cela ne puisse être salubre et donc pas un logement. Mais est ce que c’est « une habitation qui n’est pas un logement » (22bis)?
Quoi qu’il en soit dans l’article D.II.37-4 on y apprend que c’est bien dans un sens provisoire que ce type d’habitat est autorisé, mais aussi dans un sens didactique.