Le 3 mai 2017, le député bourgmestre MR Philippe Dodrimont déposait un rapport avec des propositions pour résoudre la problématique des habitants permanents de Parcs résidentiels, campings et villages de vacances. La proposition phare du rapport, la création de zones d’habitat vert, a eu un large écho dans les médias, et a réveillé l’espoir des plus de 12 000 personnes concernées.

Mettet

Les constructions et installations de parcs résidentiels et camping se trouvent sur des zones de territoire que le plan de secteur wallon nomme « zones de loisirs ». Entre 1977 et 1997, ont été créés en Wallonie 23 plans de secteurs  afin d’assurer le développement des activités humaines de manière harmonieuse et d’éviter la consommation abusive d’espace. Dans ces plans, il est prévu de réserver des morceaux de territoires pour des activités de loisirs, mais aussi de l’hébergement exclusivement touristique.

Pour illustrer, prenons l’exemple du chalet de vacances tout confort construit en zone de loisirs. Vous en êtes propriétaire, et pendant des années vous l’avez utilisé tout à fait légalement comme deuxième résidence. Un jour, vous cédez votre maison à l’un de vos enfants, et vous décidez de vous installez dans votre chalet. Vous ne le savez probablement pas, mais vous devenez « hors la loi », vous devenez un « habitant permanent ». Votre chalet est toujours le même, vous êtes toujours la même personne, mais parce que vous ne l’utilisez plus comme deuxième résidence, vous commettez une  infraction à l’aménagement du territoire, vous en avez changé l’usage. Vous pourriez demander un permis de changement d’affectation de votre bien, mais il vous serait refusé puisqu’en zone de loisir n’est autorisé que l’hébergement touristique.

Donc, quand vous irez vous inscrire à la commune pour votre nouveau domicile vous ne recevrez qu’une inscription « provisoire ».

En 2002, comme certaines situations de vie dans des « hébergements touristiques » étaient des situations d’extrême pauvreté, la Région wallonne a lancé le plan Habitat Permanent. Les objectifs étaient avant tout sociaux, mais très vite, il s’est avéré que les situations sociales critiques étaient  minoritaires et que de nombreux habitants permanents sont heureux de leur sort.

C’est ainsi, que 16 ans plus tard, la transformation des zones de loisirs investies par l’habitat permanent en « zone d’habitat vert »  a été présentée comme « la » solution pour ces habitants. Mais après le long processus de la création d’un décret et le passage par les deux filtres que sont l’expression de la volonté des communes et les exigences de l’administration, le 8 novembre 2018 le gouvernement wallon fixait par arrêté une liste qui ne prévoit la conversion en zone d’habitat vert que de 18 sites, Le processus de sélection par le gouvernement après candidature par les communes en a éliminé 28.

Combien d’habitants permanents vont-ils continuer à vivre dans une insécurité juridique ?

En consultant les chiffres du plan HP de la Région Wallonne, on peut estimer que ce seront encore plusieurs milliers. Si jusqu’à maintenant il n’y a jamais eu de poursuites par les autorités pour l’usage interdit d’un hébergement touristique comme résidence principale, il n’y a aucune garantie pour le futur.  Les mesures proposées dans le rapport Dodrimont pour les zones qui ne pourront pas être requalifiées  vont dans le sens d’une évolution du plan HP  vers des mesures plus coercitives qu’à son origine. L’aspect purement « lutte contre la pauvreté » du plan HP se dilue pour laisser la place au contrôle social. Le but du plan HP est bien à terme de faire disparaître l’habitat permanent en zone de loisirs. Pourtant depuis 2002, le nombre d’habitants permanents ne varie que très peu. Y a-t-il un moyen de s’en sortir ?

Il convient de se poser la question du cadre qui engendre cette situation : Cette ségrégation planifiée entre touristes et habitants est elle raisonnable et même juste? En effet, puisque dans les villages et villes, les gîtes ruraux et les logements se côtoient, pourquoi ne serait-il donc pas admis que  puissent aussi cohabiter des touristes et des résidents dans un village de vacances, un parc résidentiel  ou un camping? 

Un chalet

Auparavant, certains argumentaient que les constructions et installations autorisées dans les zones de loisirs (chalets et caravanes) n’étaient pas des logements suffisamment décents pour y vivre.  Ceci n’est plus d’actualité, puisque le gouvernement est en voie de reconnaître  caravanes et chalets comme des habitations légères appropriés à la première résidence.

Depuis 16 ans, la Région n’a pas été capable de construire les milliers de logements nécessaires au relogement des habitants permanents. Étant donné que les restrictions budgétaires ne permettront certainement pas aux gouvernements suivants de le faire, est-il normal dans ce contexte de crise du logement que simplement pour respecter un plan de secteur on réserve des habitations tout à fait agréables et salubres à la deuxième résidence ?

Certains argumentent l’importance de préserver l’outil touristique, qu’il y a danger que le résidentiel l’étouffe. Mais, est-il juste que les intérêts économiques  du secteur du tourisme soient prioritaires sur les besoins sociaux ?

C’est une question éminemment politique.

Article Chantal Leroy